Le Pigeage, ce geste ancestral qui a fait la gloire de la
Bourgogne.
Pigeage,
Emprunté aux parlers de la Bourgogne où il a le sens de fouler, piétiner
lui-même emprunté au bas-latin pinsiare, piler, broyer
La revue du vin de France , dans sa rubrique "comprendre le vin" (octobre 2014) nous invite à découvrir ce geste de vigneron qui consiste à enfoncer le "chapeau",
constitué de la peau, de la pulpe et des pépins de raisin dans le moût liquide à l'aide d'un pilon de bois".
Le vigneron "pige" pendant une quinzaine de jours.
Mais le pigeage s'est fait antérieurement, et se fait encore, en batifolant dans la cuve ! et en foulant
au pied, pour mieux l'enfoncer, le dit chapeau.
Piger, pige, pigiste ...
Il semberait que tout soit affaire de pieds !
Les écoliers bourguignons jouaient au palet. Et chipotaient. Qui est le plus prêt du bouchon ? C'est moi ! Non, c'est moi ! Rien à faire, il fallait mesurer. Comment faire ? En comptant le nombre
de pas, bien sûr, entre chaque palet et le bouchon. Et, aussi précisément que possible, à pas collés, talon contre pointe, ils mesuraient. Ou plutôt ... ils pigeaient
!
Peu pratique pour les courtes distances, et peu précise, cette technique ! Aussi utilise-t-ils aussi pour piger une baguette de bois, qui, par comparaison des distances, attibuera le point !
La pige est née.
Une pige qu'utilise encore les jouers de pétanque !
Une pige que Chapelain, dans Techniques Automobiles ( 1956) préconise d'utiliser : "Enlever le bouchon du réservoir, regarder, ou piger avec une
baguette..."
Ainsi la pige est -elle devenue instrument de mesure...
Le pigiste est un journaliste payé à la pige, c'est à dire selon la longueur de l'article ( déterminée en nombre de signes ) qui lui a été commandé.
Jusqu'à notre vie que l'on mesure avec une pige ! A cela prête que ce n'est plus un instrument, mais une unité de mesure, chaque pige étant en argot l'équivalent d'une
année.
Quant aux écoliers qui contestaient, qui pigeaient, ils se défiaient ! Ils mesuraient et ... se mesurer. En deux mots, se piger. Et celui qui faisait mieux que le copain, qui
le dépassait , qui était le plus fort ...faisait la pige à tous les autres !
Vous avez ... pigé ?
Isamatelote
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Comme j’évoquais le sens de la racine grecque rh, qui coule, donnant quelques exemples (Rhin, Rhône, rhume, logorrhée etc.), mes interlocuteurs me proposèrent Rhésus. Le sang coule, me dirent-ils. J’étais quelque peu sceptique. Rhésus me semblait être le nom d’un homme lié à la découverte du facteur. Et puis sémantiquement rhésus en lui-même n’évoque aucune idée d’écoulement, de fluidité.
Doute oblige, je vérifie. Le facteur Rhésus a été baptisé du nom de l’espèce des singes qui servirent à mettre en évidence ce « facteur agglutinogène, dont la présence ou non dans le sang détermine le groupe sanguin » (TLF).
Laquelle espèce de singe a elle-même été arbitrairement baptisée par les zoologistes (1799) du nom d’un roi légendaire de Thrace, Rhésus ou Rhésos. Un ami de Pâris qui fut égorgé par Diomède et Ulysse avant qu’ils ne puissent porter secours aux Troyens. Et savez-vous de qui il est le fils ? D’un fleuve ! Nous voilà donc à la source même de la racine RH du facteur rhésus.
Cette petite histoire est instructive. N’avoir jamais de certitudes sans avoir remonté le long cours de l’histoire d’un mot, mener sa barque doucement et sûrement. Mais ne jamais non plus s’interdire aucune interrogation, s’autoriser bien au contraire toutes les curiosités, tous les « pourquoi pas », tous les « et si ... » aussi farfelus puissent-ils sembler à condition de ne pas s’arrêter là, se croyant arrivés à bon port, mais d’entreprendre par le voyage vers la source. Et si elle n’est pas du tout là où on la croyait, qu’importe ! On aura fait un beau voyage.
Isabelle
Et pour ceux qui voudraient explorer les alentours de la source, un petit tour mythologique :
Rhésus, roi de Thrace, était le fils du fleuve Strymon. Après s’être illustré par ses exploits en Europe, il vint au secours du roi Priam (roi de Troie) qui l’attendait d’autant plus
impatiemment qu’un ancien oracle avait prédit que Troie ne serait jamais prise si les chevaux de Rhésus buvaient les eaux du Xante et paissaient dans les champs troyens. Les Grecs, qui
connaissaient cet oracle, chargèrent Ulysse et Diomède d’arrêter la marche de Rhésus. Ces deux héros, ayant pénétré dans son camp à la faveur de la nuit, l’égorgèrent et enlevèrent ses chevaux.
(Source, Dictionnaire pour servir à l’intelligence des auteurs classiques grecs et latins).