Innover,
du latin innovare, in ( dans ) et novare de novare « renouveler; inventer, forger; changer, innover ».
Il ne faut point faire d'innovation. Les innovations sont dangereuses.
Voilà les exemples donnés par l'Académie dans son Dictionnaire pour illustrer le mot. Pas étonnant, quand on sait que le siècle, le 18ème, embastillait les esprits trop éclairés et réformateurs.
Autre exemple : "C'est un établissement fort ancien, il n'y faut rien innover."
Craignait-elle donc pour elle-même ?
Refuser l’innovation, voilà une prudente attitude pour qui se campe sur le ferme. C’est que par définition l'innovation bouscule ce qui est établi, establi, avec cette même racine st de statue, droite et raide et bien en place, ce st de style bien campé, immuable et valeur sûre, ce st de destin sûr et certain. Ce st encore d’étable ( estable) chaude et rassurante.
Innover, c'est tout le contraire. C'est dé-stabiliser. Quitter le ferme. Le sûr. Le définitif. Le stable. Ouvrir les portes. Et partir en terres mouvantes, régénératrices. Celles où se créera le nouveau.
Nouveau, latin novus, grec nesos.
Novus, même racine que le latin nunc. Hic et nunc, ici et maintenant. Pas ce qui était, ni ce qui serait si, ni même ce qui sera, mais ce qui est. Ce qui est là tout de suite et qui déjà sera passé demain. Ce qui est récent, jeune.
Le Novus latin, c'est l'herbe juste sortie de terre, l'enfant ou l'animal qui vient de naître, l'idée qui vient de germer. Novus, qui est né. Noël, noël ! Bonne nouvelle, voici une ère nouvelle.
Nunc, maintenant.
Innover c'est renoncer à vivre dans le passé, refuser aussi à n’être qu’en gestation de projets aussi grands soient-ils. Innover, c’est faire naître. Etre "dans" (in-) le "actuel" (nunc), le récent. En permanence. Pour cela, revenir toujours à l'origine. Toujours renaître, pour être toujours le novissimus, le plus récent, le dernier né des derniers nés, l'ultime innovation.
Isamatelote
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Comme j’évoquais le sens de la racine grecque rh, qui coule, donnant quelques exemples (Rhin, Rhône, rhume, logorrhée etc.), mes interlocuteurs me proposèrent Rhésus. Le sang coule, me dirent-ils. J’étais quelque peu sceptique. Rhésus me semblait être le nom d’un homme lié à la découverte du facteur. Et puis sémantiquement rhésus en lui-même n’évoque aucune idée d’écoulement, de fluidité.
Doute oblige, je vérifie. Le facteur Rhésus a été baptisé du nom de l’espèce des singes qui servirent à mettre en évidence ce « facteur agglutinogène, dont la présence ou non dans le sang détermine le groupe sanguin » (TLF).
Laquelle espèce de singe a elle-même été arbitrairement baptisée par les zoologistes (1799) du nom d’un roi légendaire de Thrace, Rhésus ou Rhésos. Un ami de Pâris qui fut égorgé par Diomède et Ulysse avant qu’ils ne puissent porter secours aux Troyens. Et savez-vous de qui il est le fils ? D’un fleuve ! Nous voilà donc à la source même de la racine RH du facteur rhésus.
Cette petite histoire est instructive. N’avoir jamais de certitudes sans avoir remonté le long cours de l’histoire d’un mot, mener sa barque doucement et sûrement. Mais ne jamais non plus s’interdire aucune interrogation, s’autoriser bien au contraire toutes les curiosités, tous les « pourquoi pas », tous les « et si ... » aussi farfelus puissent-ils sembler à condition de ne pas s’arrêter là, se croyant arrivés à bon port, mais d’entreprendre par le voyage vers la source. Et si elle n’est pas du tout là où on la croyait, qu’importe ! On aura fait un beau voyage.
Isabelle
Et pour ceux qui voudraient explorer les alentours de la source, un petit tour mythologique :
Rhésus, roi de Thrace, était le fils du fleuve Strymon. Après s’être illustré par ses exploits en Europe, il vint au secours du roi Priam (roi de Troie) qui l’attendait d’autant plus
impatiemment qu’un ancien oracle avait prédit que Troie ne serait jamais prise si les chevaux de Rhésus buvaient les eaux du Xante et paissaient dans les champs troyens. Les Grecs, qui
connaissaient cet oracle, chargèrent Ulysse et Diomède d’arrêter la marche de Rhésus. Ces deux héros, ayant pénétré dans son camp à la faveur de la nuit, l’égorgèrent et enlevèrent ses chevaux.
(Source, Dictionnaire pour servir à l’intelligence des auteurs classiques grecs et latins).