Goujat,
de l'ancien provençal,goya, jeune homme.
La goujaterie, mesdames, n’est apparue qu’au 19ème siècle ! Pardon, le mot goujaterie, car il va de soi que l'indélicatesse masculine envers le "sexe" ne date pas seulement de cette époque, vous en conviendrez ! :))
Mais ce n’est qu’à cette date que les mots goujat et goujaterie se sont imposés dans le sens que nous leur connaissons aujourd’hui.
Valet d'armes
« Il voit les mêmes passions dans le goujat et l'homme illustre ».
Rousseau rapproche là le goujat et homme illustre. Pourquoi cite-il le goujat à l'oppoé de l'homme illustre ? Parce que celui-ci n’est autre "chose" que le valet d’un soldat. A mille lieues de l'officier, à mille lieues de l'homme expérimenté qui s'illustre sur les champs de bataille et brille ensuite à la cour du Roi.
Pas encore éduqué
Pas éduqué, rustre, aux manières peu polies. Mais n’est- ce pas normal ? Il n’est encore comme l’indique l'étymologie de son nom, qu’un tout jeune homme , de goya, jeune homme en ancien provençal.
Un jeune homme qui aura le temps d’apprendre à se bien conduire, le temps de s’instruire, auprès de ses maîtres, mais aussi des dames comme en témoigne Olivier de La Marche dans ses Mémoires : "Les gougeas de l'hostel du duc alloient tous les jours veoir les dames à Deventel, qui sont femmes moult gracieuses et qui prennent plaisir à festoyer estrangers".
Du jeune soldat au rustre
Ce sont les manières rustres, le manque de tact, le côté mal dégrossi de ces valets d’armes qui ont donné leur nom aux goujats qui courent aujourd’hui nos rues, alors qu’eux-mêmes ont disparu !
Quand les mauvaises langues font... la langue !
Le mot gouje, de la même famille que goujat, est encore employé dans le sens régional de servante, domestique dans le Sud –Ouest.
L'ancien gascon goya, gotya, signifiait jeune femme non mariée, alors vous pensez .... de là à "jeune femme portée à l'amour" ...et à....jeune femme de mauvaise vie, il n'y a qu'un pas que les mauvaises langues franchissent allègrement, faisant ainsi ...la langue !
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Isamatelote
Comme j’évoquais le sens de la racine grecque rh, qui coule, donnant quelques exemples (Rhin, Rhône, rhume, logorrhée etc.), mes interlocuteurs me proposèrent Rhésus. Le sang coule, me dirent-ils. J’étais quelque peu sceptique. Rhésus me semblait être le nom d’un homme lié à la découverte du facteur. Et puis sémantiquement rhésus en lui-même n’évoque aucune idée d’écoulement, de fluidité.
Doute oblige, je vérifie. Le facteur Rhésus a été baptisé du nom de l’espèce des singes qui servirent à mettre en évidence ce « facteur agglutinogène, dont la présence ou non dans le sang détermine le groupe sanguin » (TLF).
Laquelle espèce de singe a elle-même été arbitrairement baptisée par les zoologistes (1799) du nom d’un roi légendaire de Thrace, Rhésus ou Rhésos. Un ami de Pâris qui fut égorgé par Diomède et Ulysse avant qu’ils ne puissent porter secours aux Troyens. Et savez-vous de qui il est le fils ? D’un fleuve ! Nous voilà donc à la source même de la racine RH du facteur rhésus.
Cette petite histoire est instructive. N’avoir jamais de certitudes sans avoir remonté le long cours de l’histoire d’un mot, mener sa barque doucement et sûrement. Mais ne jamais non plus s’interdire aucune interrogation, s’autoriser bien au contraire toutes les curiosités, tous les « pourquoi pas », tous les « et si ... » aussi farfelus puissent-ils sembler à condition de ne pas s’arrêter là, se croyant arrivés à bon port, mais d’entreprendre par le voyage vers la source. Et si elle n’est pas du tout là où on la croyait, qu’importe ! On aura fait un beau voyage.
Isabelle
Et pour ceux qui voudraient explorer les alentours de la source, un petit tour mythologique :
Rhésus, roi de Thrace, était le fils du fleuve Strymon. Après s’être illustré par ses exploits en Europe, il vint au secours du roi Priam (roi de Troie) qui l’attendait d’autant plus
impatiemment qu’un ancien oracle avait prédit que Troie ne serait jamais prise si les chevaux de Rhésus buvaient les eaux du Xante et paissaient dans les champs troyens. Les Grecs, qui
connaissaient cet oracle, chargèrent Ulysse et Diomède d’arrêter la marche de Rhésus. Ces deux héros, ayant pénétré dans son camp à la faveur de la nuit, l’égorgèrent et enlevèrent ses chevaux.
(Source, Dictionnaire pour servir à l’intelligence des auteurs classiques grecs et latins).