Histoire,
du grec, istoor, celui qui sait parce qu'il a vu et entendu.
Il était une fois ...
...une belle histoire. Une histoire de coeur, une histoire de fous, ou a dormir debout, une histoire même sans queue ni tête. Un mot dont je veux vous raconter l'histoire !
Histoire et savoir
Il était une fois donc un joli petit mot grec,istoor, engendré par oida. Oida régnait sur la famille du savoir. Dans cette grande famille sémantique, on trouvait aussi épistathamai ( le rejeton français , épistémologie, vous connaissez ? ) et encore gignooskein ( lui, son rejeton français, c'est cognitif, vous connaissez aussi ?). Mais le grand chef de ce clan c'était oida.
Le petit istoor devint vite le bras droit de son père. Istoor, c'était celui qui savait tout pour avoir vu et appris. Istoor, qui donc sait la réalité des faits, peut "témoigner", faire savoir. Il compose l' istoorion, le témoignage, le récit, l'histoire !
Eh oui, désolée de vous décevoir. Mais une histoire, ce n'est pas du "il était une fois", une belle histoire imaginaire, un beau conte, une fable, un mythe. C'est un rapport, un compte
rendu du vu et de l'entendu.
Et historier, c'est rapporter des histoires dans le but d'enseigner.
On comprend mieux dès lors le nom d'Histoire donné au récit des événements du passé.
Quand l'artiste historie
Les hommes depuis la nuit des temps ont toujours eu le souci de transmettre, de garder la mémoire des événements survenus pour instruire les générations suivantes.
Cette mémoire passait de bouche en bouche, c'était la tradition orale. Puis vint l'écriture. Mais avant comme après la naissance de l'écriture, l'homme va sculpter, dessiner, peindre, graver…représenter l'histoire pour en porter témoignage. Il orne de motifs narratifs les tombeaux, les céramiques, les vases, les cathédrales… Les monuments sont les premiers livres d'images, les premiers livres d'histoires.Et le verbe historier a rejoint le lexique des Beaux-Arts.
Drôle d'histoire
Une histoire aujourd'hui est loin d'être toujous vraie ! Contes et mythes, histoires drôles, histoires pour rire, sont tous des récits imaginaires ! "Cesse de me raconter des histoires" dira-t-on à celui que l'on présume menteur. quand l'histoire, étymologiquement, ne peut être que vraie ! Et quand on veut raconter ce qui s'est réellement passé, on est obligé aujourd'hui de préciser : "c'est une histoire vraie" , ce qui est finalement un pléonasme ! Drôle d'histoire, tout de même !
Isamatelote
Comme j’évoquais le sens de la racine grecque rh, qui coule, donnant quelques exemples (Rhin, Rhône, rhume, logorrhée etc.), mes interlocuteurs me proposèrent Rhésus. Le sang coule, me dirent-ils. J’étais quelque peu sceptique. Rhésus me semblait être le nom d’un homme lié à la découverte du facteur. Et puis sémantiquement rhésus en lui-même n’évoque aucune idée d’écoulement, de fluidité.
Doute oblige, je vérifie. Le facteur Rhésus a été baptisé du nom de l’espèce des singes qui servirent à mettre en évidence ce « facteur agglutinogène, dont la présence ou non dans le sang détermine le groupe sanguin » (TLF).
Laquelle espèce de singe a elle-même été arbitrairement baptisée par les zoologistes (1799) du nom d’un roi légendaire de Thrace, Rhésus ou Rhésos. Un ami de Pâris qui fut égorgé par Diomède et Ulysse avant qu’ils ne puissent porter secours aux Troyens. Et savez-vous de qui il est le fils ? D’un fleuve ! Nous voilà donc à la source même de la racine RH du facteur rhésus.
Cette petite histoire est instructive. N’avoir jamais de certitudes sans avoir remonté le long cours de l’histoire d’un mot, mener sa barque doucement et sûrement. Mais ne jamais non plus s’interdire aucune interrogation, s’autoriser bien au contraire toutes les curiosités, tous les « pourquoi pas », tous les « et si ... » aussi farfelus puissent-ils sembler à condition de ne pas s’arrêter là, se croyant arrivés à bon port, mais d’entreprendre par le voyage vers la source. Et si elle n’est pas du tout là où on la croyait, qu’importe ! On aura fait un beau voyage.
Isabelle
Et pour ceux qui voudraient explorer les alentours de la source, un petit tour mythologique :
Rhésus, roi de Thrace, était le fils du fleuve Strymon. Après s’être illustré par ses exploits en Europe, il vint au secours du roi Priam (roi de Troie) qui l’attendait d’autant plus
impatiemment qu’un ancien oracle avait prédit que Troie ne serait jamais prise si les chevaux de Rhésus buvaient les eaux du Xante et paissaient dans les champs troyens. Les Grecs, qui
connaissaient cet oracle, chargèrent Ulysse et Diomède d’arrêter la marche de Rhésus. Ces deux héros, ayant pénétré dans son camp à la faveur de la nuit, l’égorgèrent et enlevèrent ses chevaux.
(Source, Dictionnaire pour servir à l’intelligence des auteurs classiques grecs et latins).