En ce temps de confinement, pour sortir promener votre chien, vos gosses ou vous-même à l'air libre q(à défaut d'être pur), il vous faut obtenir un
congé, c’est-à-dire la permission de déroger à l'obligation qui vous est faite de rester confiné à votre domicile; une autorisation de vous transporter ailleurs, de vous éloigner.
A l'origine, le mot latin commeatus tiré de commeare, circuler ensemble (com, cum,avec), et se mettre en route. Commeatus désignait l'action de se transporter
ou de transporter des marchandises, et dans l'armée, plus particulièrement des vivres. Une armée où le mot latin a fait belle carrière , puisqu'il en est venu par extension de son sens, ,à
désigner l' ordre de quitter le camp, de prendre la route mais aussi le document qui en attestait, la permission, le laissez-passer.
Sous les formes cumgiet, puis congiet, puis congié et enfin congé, le mot en français désigne d'abord la permission de s'éloigner
d'un lieu ou d'une personne auxquels on est lié par obligation morale, contractuelle ou réglementaire.
Ainsi lorsque l'on prenait congé de son hôte, on lui demandait la permission de le quitter.
C'est donc bel et bien un congé qu'il vous faut pour quitter votre domicile auquel vous êtes assigné à résidence. Obligation morale ou réglementaire ? Les deux probablement.
Rêvons au jour où ce congé recouvrera strictement le même sens qu'il a dans la langue de l'armée" : autorisation individuelle d'absence d'une durée supérieure à trente jours". Mais ce jour-là, nul n'en n'aura plus besoin ... et le proverbe aura bien raison qui dit " Pour boire de l'eau ou coucher dehors, il ne faut demander congé à personne".
Comme j’évoquais le sens de la racine grecque rh, qui coule, donnant quelques exemples (Rhin, Rhône, rhume, logorrhée etc.), mes interlocuteurs me proposèrent Rhésus. Le sang coule, me dirent-ils. J’étais quelque peu sceptique. Rhésus me semblait être le nom d’un homme lié à la découverte du facteur. Et puis sémantiquement rhésus en lui-même n’évoque aucune idée d’écoulement, de fluidité.
Doute oblige, je vérifie. Le facteur Rhésus a été baptisé du nom de l’espèce des singes qui servirent à mettre en évidence ce « facteur agglutinogène, dont la présence ou non dans le sang détermine le groupe sanguin » (TLF).
Laquelle espèce de singe a elle-même été arbitrairement baptisée par les zoologistes (1799) du nom d’un roi légendaire de Thrace, Rhésus ou Rhésos. Un ami de Pâris qui fut égorgé par Diomède et Ulysse avant qu’ils ne puissent porter secours aux Troyens. Et savez-vous de qui il est le fils ? D’un fleuve ! Nous voilà donc à la source même de la racine RH du facteur rhésus.
Cette petite histoire est instructive. N’avoir jamais de certitudes sans avoir remonté le long cours de l’histoire d’un mot, mener sa barque doucement et sûrement. Mais ne jamais non plus s’interdire aucune interrogation, s’autoriser bien au contraire toutes les curiosités, tous les « pourquoi pas », tous les « et si ... » aussi farfelus puissent-ils sembler à condition de ne pas s’arrêter là, se croyant arrivés à bon port, mais d’entreprendre par le voyage vers la source. Et si elle n’est pas du tout là où on la croyait, qu’importe ! On aura fait un beau voyage.
Isabelle
Et pour ceux qui voudraient explorer les alentours de la source, un petit tour mythologique :
Rhésus, roi de Thrace, était le fils du fleuve Strymon. Après s’être illustré par ses exploits en Europe, il vint au secours du roi Priam (roi de Troie) qui l’attendait d’autant plus
impatiemment qu’un ancien oracle avait prédit que Troie ne serait jamais prise si les chevaux de Rhésus buvaient les eaux du Xante et paissaient dans les champs troyens. Les Grecs, qui
connaissaient cet oracle, chargèrent Ulysse et Diomède d’arrêter la marche de Rhésus. Ces deux héros, ayant pénétré dans son camp à la faveur de la nuit, l’égorgèrent et enlevèrent ses chevaux.
(Source, Dictionnaire pour servir à l’intelligence des auteurs classiques grecs et latins).