Des sanctions. M. Trump a menacé d'en prendre contre la Chine. Sanction sonne immédiatement comme peine, punition. Car c'est bien là
le sens quasiment unique que retient la majorité des Français.
Qu'elle soit administrative ou internationale, légale, disciplinaire le mot sanction est plutôt générateur de peur. L'on brandit plus souvent le bâton que la carotte, et dans les esprits,
la sanction est généralement synonyme de punition, châtiment, même si elle peut tout aussi bien l'être de récompense.
Qu'est-ce donc que la sanction ?
A l'origine, le nom latin sanctio, issu de sanctum, participe passé du verbe sancire., qui appartient à la fois à langue religieuse et politique. Dans l'Antiquité romaine,
les fonctions sacerdotales étaient souvent associées aux fonctions politiques. L'empereur lui-même accédait de son vivant à la nature divine. Le verbe sancire signifie "rendre sacré" qu'il
s'agisse d'un lieu, d'une personne, d'un usage. Nul ne saurait touché à ce qui est sacré . Car comme ce qui est d'essence divine ( qualifié en latin de sacrum), ce qui est dédié aux dieux
et que les dieux désormais accompagnent, protègent (tout ce qui peut donc être qualifié de sanctum ) leur appartient et revêt un caractère d' inviolabilité. L'adjectif
s'appliquait tant à des notions concrètes qu'à des notions abstraites : il était ainsi interdit de porter la main sur les tribuns de la plèbe, qui étaient qualifiés de sacrosancti
(renforcement de sancti)., de meme qu'il était interdit de ne pas respecter son devoir envers sa famille, lequel lui aussi était qualifié de sanctum.
C'est par un rite, pratiqué par un prêtre, qu'une chose devient "sacrum". Gestes et paroles consacrent le lieu, la personne, mais aussi tout précepte, les rendant inviolables. Sanctionner
une loi, un décret, un privilège c'était les "rendre sacrés" et donc exécutoires : par là-même contraindre ou interdire. La langue française a conservé ce sens de ratifier, entériner pour
sanctionner, l'étendant aussi plus simplement à confirmer par une approbation, homologuer. Ainsi le baccalauréat sanctionne-t-il la fin des études secondaires.
Mais revenons aux sanctions de M. Trump. Comment le mot a-t-il pu désigner des mesures disciplinaires ?
Il nous faut encore remonter au sacré latin. Rappelez-vous. Sacer, (sacra, sacrum au féminin et au neutre) : consacré aux dieux. Mais les dieux peuvent aussi être des dieux
infernaux, et le sacer signifie alors "voué aux dieux infernaux, exécrable", tandis que le verbe sancio signifie " proclamer comme exécrable" d'où " interdire solennellement et par
suite "punir". Quant à la sanction, elle est en elle-même, aussi, la punition, cette peine encourue pour avoir violé la loi, pour n'avoir pas respecté l'interdit.
Dans la langue du droit tout d'abord le français a repris le mot sanction dans ce sens : c'est la conséquence liée à l'observation ou
non d'une loi, la peine ou la récompense, avant que le mot ne s'utilise dans d'autres domaines et ne prenne une valeur plus générale de "conséquence d'une certaine façon d'agir". Notons
qu'en français contemporain, le mot ne sous-entend généralement que le sens de punition, et oublie celui de récompense. L'usage du bâton serait-il plus fréquent que celui de la carotte ?
M. Trump semble en donner l'exemple. A tort ou à droit. Mon propos n'est pas là. Je ne peux que constater que la Chine aurait dû prendre garde ! Ses agissements ne conviennent pas à M. Trump.
Elle en paiera les conséquences. Elle sera sanctionnée.
Isabelle Lefebvre
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